Un abandon.

Publié le par Mathéo

La famille possédait depuis la nuit des temps un vieux Gaveau droit et c’est sur celui-ci que le jeune fils avait fait ses premières armes puis au fil du temps ils firent le sacrifice d’acheter un quart de queue Pleyel pour donner plus de confort au jeune garçon.

Il mit pas mal de temps à l’apprivoiser, il faut avoir ses repères sur un instrument et il se conduisait devant le piano un peu comme un amoureux paralysé par celle dont il rêve le jour et la nuit.

Cependant il était plus qu’assidu et ils furent bientôt liés l’un à l’autre par un lien presque viscéral.

Le moindre séjour loin de son piano rendait le garçon malheureux et au lycée il n’était pas rare qu’il rêve de son fidèle compagnon au lieu de se concentrer sur son cours.

L’aventure avançait et le couple se scellait, il fusionnait.

Le drame commença de façon insidieuse, le jeune homme ressentit de petites douleurs au niveau du poignet droit, puis ses doigts le firent souffrir aussi, le mal devint de plus en plus fréquent et de plus en vif jusqu’au jour ou la souffrance se fit  telle, qu’il lui fut impossible de bouger la main.

Médecins, neurologues, rhumatologues, cliniques spécialisées, hôpitaux, tout a été mis en oeuvre pour sortir de ce cauchemar mais la sentence a fini par tomber rien ne redeviendrait comme avant.

Le jeune homme cru sincèrement qu'il allait mourir de chagrin mais il dut se rendre à l'évidence, à son age la vie est bien ancrée alors il décida que puisque cette vie ne servait plus à rien, puisqu'elle n'avait plus aucun sens c'était à lui de l'arrêter.

La tentative fut un échec et il se retrouva enfermé entre quatre murs blancs en attendant que le goût de vivre lui revienne.

Le séjour fut long et il connut de nombreux creux de la vague puis pour l'amour de ses parents il se résolu à accepter de faire semblant.

La souffrance morale était trop forte et il fit aussi le choix de se couper pour toujours de la musique.

Le compagnon restait là, muet comme le témoin de cet immense gâchis, alors pour tenter de moins souffrir  il décida de s'en séparer, mais il ne voulait pas le vendre à 'importe qui, le laisser tomber entre des mains qui ne le vaudraient pas et il fit admettre à ses parents de l'offrir à une petite école de musique communale.

Depuis il est devenu un homme, a exercé un métier pour lequel il a réussi à trouver un peu d'intérêt et à l'age ou la sagesse l'emporte sur la jeunesse il a enfin admis de rejouer juste pour son plaisir sur un Petrof droit qui est devenu lui aussi son fidèle compagnon, son confident et gageons que celui-ci il ne l'abandonnera pas.

Publié dans Musique

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A
Aril m'a parlé de toi.  C'est une vrai souffrance que tu as du vivre ! Il faut du temps pour accepter de faire au ralenti ce dans quoi on excellait ! Aril t'a parlé d'elle. Pour oi c'est un peu pareil. Chanteuse lyrique j'ai mis près de 8 ans pour avoir un enfant. Quand le miracle s'est produit j'ai posé la valise et abandonné mon métier ... j'ai chosi et pourtant il m'a fallu 10 ans pour accepter de rechanter ... dans un choeur, certe très bon. J'ai chosi et pourtant j'en ai énormément souffet. Alors j'imagnie très bien ta peine et ta douleur.  Seul le temps nous aide...
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M
Oui le temps finit par caler la souffrance, je suis heureux de ton intervetion.
A
comme je te comprends! dans un autre registre quand j'ai du abandonner le chant pour des raisons familiales c'etait comme si on m'avait amputee! j'ai travaille à la Fnac mais quelque part la souffrance etait encore plus vive.j'en suis partie ,usee..mais je n'ai plus ecoute de musique,encore moins d'opera jusqu'au jour où j'ai fait une rencontre...et là la vie m'a rappelee,la musique aussi.tu le vois d'ailleurs sur le blog...<br /> et je connais quelqu'un qui a du abandonner le piano ,toute sa vie aussi ,pour aussi des raisons de sante....alors je te comprends..mais tu vois tu rejoues quand meme,la musique est revenue dans ta vie pas dans les memes conditions certes mais le piano est redevenu un  ami...tu n'es pas seul..<br /> bisous
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M
bisous
C
Mathéo, je n'ai pas les mots; juste une petite présence.
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M
Et cette présence me fait grand plaisir.
L
Rien n'est plus difficile à supporter que  de s'éloigner de son rêve.  " mourir loin de son rêve", me disait un ami, aussi la sagesse consiste à l'adapter , à l'ajuster au possible pour en garder une part du bonheur qu'il procure. Tu as "ajusté", tu l'approches, l'apprivoises, c'est bien...
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M
Oui, je suis devenu un vieux sage...
B
Cette histoire me fait penser à celle de Keith Jarret. Alors qu'il semblait ne plus devoir jouer, il est revenu à la musique, avec un superbe disque, "The melody at night with you", chant d'amour pour sa femme. C'est l'amour qui l'a sauvé.
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M
L'amour peut soulever des montagnes.<br /> Merci pour ton passage chez moi!