Le service qualité
J’avais passé deux autres années sur cette ligne de prépa et je m’étais fait une excellente amie du responsable de ligne. C’était quelqu’un d’enjoué, de profondément humain et qui débordait de bonne humeur malgré son malheur caché, elle ne pouvait pas avoir d’enfant.
Un jour que j’étais affairé à assembler des serrures la secrétaire d’atelier vint me voir et me dit que le directeur général voulait me parler immédiatement. Je me dirigeai vers le bureau directorial avec une certaine crainte, il était déjà arrivé que les collègues soient ainsi convoquer pour se faire remettre un blâme après que leur N° matricule eût été remonté par un client insatisfait.
Il me fit asseoir et après m’avoir dit que notre usine était en pleine expansion, il m’indiqua que nous allions être dotés d’un service qualité qui aurait à sa tête un jeune ingénieur Gilles D et que le recrutement de son personnel se ferait en interne. Il m’exposa brièvement ce qu’était un tel service et me demanda si j’acceptais d’être la première recrue. J’acceptai bien entendu en me disant que c’était une chance et que mon salaire serait revu à la hausse.
Ce n’est pas sans une certaine nostalgie que j’abandonnai ce groupe auquel je m’étais si bien intégré pour devenir de que l’on appelait « ceux des bureaux ».
Gilles D était un homme de rigueur et d’un très grand professionnalisme, il m’a appris tout ce que je sais aujourd’hui, mais il n’était guère pédagogue et je dus en quelques semaines lire un plan, me servir d’appareils de mesures, déchiffrer adroitement les cahiers des charges pour devenir le premier contrôleur réception de la seconde firme de bagages mondiale.
Je demeurai huit mois, seul, avec mon mentor et je devins rapidement efficace, mais je me sentais mal à l’aise envers mes anciens camarades qui guettaient à chaque rencontre si un changement s’était fait en moi. Le comble fut atteint lorsqu’on me demanda officieusement de déjeuner au restaurant d’entreprise avec les employés et donc de déserter les tables des ouvriers. Je n’étais pas rebelle et je décidais donc de manger dans ma voiture afin d’indisposer personne.