Mauvais choix.

Publié le par Mathéo

Des restructurations internes se sont succédées ensuite mais sans casse. Livré à moi-même je décidai de me rapprocher de l’atelier et m’installai donc au cœur de la production dans un petit bureau désaffecté. Je découvris rapidement pourquoi on m’avait tenu à l’écart pendant tant d’années. Je découvrais les difficultés techniques et les facteurs humains et j’en tins compte évidemment dans ma façon de noter le produit fini, je l’avoue ce n’était guère professionnel mais comment faire autrement. Mon image s’améliora rapidement et les anciens griefs qui tenaient à de mauvais rapports s’effacèrent en quelques semaines. Mes collègues et moi, nous nous sommes ré apprivoisés en quelque sorte. Je représentais à moi seul la qualité, avec un regard de conseil sur la personne qui s’occupait de la réception. Sans que mon statut et moins encore mon salaire soit revu j’assistais aux réunions importantes et étais parfois invité a donner un avis. Aussi étonnant que cela puisse paraître, je fis beaucoup d’heures pour tenter de gagner des marchés de sous traitante, ce qui était, nous le savions, notre dernière bouée de sauvetage. Il m’est arrivé de couvrir trois équipe sans pointer pour ne pas être dans l’illégalité, juste pour essayer de faire gagner quelques centaines d’euros à cette usine que je considérais comme mon village. Je ne regrette rien et s’il fallait le refaire je recommencerais. Il y a trois ans un cadre qui avait fait tous les services fus bombardé responsable de la réussite de la certification de la norme 9001, le problème est que le budget était inexistant et le resterait, c’était une certitude, on lui avait trouvé une occupation.

Jacques B était un homme que j’appréciais beaucoup contrairement à la plupart de mes camarades. C’est vrai qu’il n’avait pas son pareil pour couper un cheveu en quatre et pousser son interlocuteur au bord de la crise de nerf mais il était sensible et grand mélomane, nous partagions la même culture et il aurait presque pu être mon père. Il me tarabusta pour que je me présente sur la sa liste CGC aux élections du personnel et j’acceptai heureux de m’investir plus en avant et aussi satisfait de faire plaisir mais ce fut une grossière erreur, comme souvent je fus trahi par ma naïveté. Parachuté dans un monde qui m’était totalement étranger je m’aperçus un peu tard que je ne représentais que les cadres, un peu les employés, mais tout cela  au détriment des ouvriers s’il le fallait.

Au mois de décembre 2005 nous fûmes placés en redressement judiciaire avec six mois pour trouver un repreneur.

Le directeur de production associé à trois autres personnes proposa un projet de reprise et j’entrepris de tout faire pour le soutenir, je désirais plus que tout sauver l’usine.

Devant l’immobilisme de Jacques je me dressai et résolu de prendre des initiatives. Je le fis sans l’assentiment de Jacques et encore moins avec celui de son syndicat.

J’organisai une pétition en faveur des repreneurs et récoltai plus de deux mille signatures à la foire agricole de notre sous préfecture. J’envoyai des dossiers accompagnés de courriers au juge commissaire, au préfet, au maire de la commune  et au liquidateur judiciaire.

En siégeant au CE je m’aperçus que mon poste ne serait pas sauvé. Je me démobilisais deux ou trois jours avant de reprendre un combat qui me rapprocha de la CGT avec qui je travaillai jusqu’à la fin.

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P
Lorsque tu te dévalues après un stage à la c.. qui foire et ne te va pas, comment veux-tu que je ne m'énerve pas et que je ne "t'enguirlande" pas, sachant que tu es loin d'être une clôche (de Pâques ?), un raté ou encore une victime de sa condition d'enfant unique ? Hein, comment veux-tu ? Pour beaucoup de tes anciens collègues, tu dois faire figure de héros, une sorte de Don Quichotte des temps modernes. Et même si le combat est perdu, tu t'es battu comme un lion et tu as prouvé que tu pouvais défendre les intérêts des autres, en plus des tiens, sans jamais abandonner. C'est cela le plus important, finalement. Savoir que l'on a perdu mais que l'on s'est battu jusqu'au bout, sans jamais s'avouer vaincu.Bravo à toi ! Je suis fière de t'avoir comme ami.Gros bisous et très bon week-end à toi et Romana.
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M
Oui mais j'aime pas quand tu m'enguirlandes.... pis si peut être un peu quand même!!!<br /> (rire)
C
Cher Mathéo,J\\\'ai suivi ce long et émouvement témoignage.Pudiquement, je me suis abstenu de commenter, mais j\\\'ai suivi avec un très grand intérêt la description de l\\\'évolution d\\\'un travail, d\\\'une fonction et des relations humaines dans ton ancienne entreprise.Je me permets une question, plusieurs questions :A quel moment il eut fallu changer de stratégie pour que cette entreprise fut sauvée ?Ou alors, les décideurs savaient que telle serait l\\\'issue, et ils auraient toujours fait croire à autre chose. Les capacités de la production sont grandes, mais que pouvaient ceux qui sont capables de faire, devant une volonté commerciale, de marché,  ou de profit, ou de capital ???As-tu aujourd\\\'hui une réponse à Pourquoi ? Comment ?Ou tout était décidé par Qui ? Quoi ? Où ?Ton cheminement, ton engagement ont été exemplaires.Je suis persuadé que ton "coté musicien" sont pour beaucoup dans ce que tu as fait. Les Japonnais ne développent ils pas connaissance et pratique de la mlusique dans le cursus de formation des jeunes ?
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M
Je te remercie de l'intérêt que tu me témoigne.<br />  <br /> <br /> En fait comme je le décrirai demain notre avant dernier patron s'est débarrassé de nous par une vente bien calculée à un professionnel des dépôts de bilans.<br />  <br /> <br /> Mais vous verrez dans les dernières lignes du récité que je n'ai pas été aussi bon que cela, j'ai fait des erreurs, pas mal d'erreurs.<br />  <br /> <br />  
P
Je voulais laisser reposer mes yeux, encore plusieurs jours, mais devant ton récit, je te mets juste ce petit commentaire. Tu as fait ce que tu as cru bien pour tous. A l\\\'époque les cadres (CGC) soutenaient toujours le patronat,car ils croyaient leur situation pérenne. Nous avions un représentant CGC au CE, mais qui était mon propre chef de service. Il n\\\'a jamais pris par au vôte et je l\\\'ai trouvé souvent d\\\'accord avec moi sur certains sujets concernant notre service. Nous réglions entre nous, les sujets qui n\\\'étaient pas obligés de passer par la direction. Autrement, devant la direction, sa position était celle d\\\'un commensal à la direction. Depuis quelques années, ils s\\\'aperçoivent que devant les exigeances des actionnaires, ils ne sont pas mieux considérés que les ouvriers et employés. Quand je le leurs disaient en 1955-62, qu\\\'un jour ou l\\\'autre, ils allaient être traités comme nous, ils me prenaient pour un fou. Ils ont commencaient à déchanter au moment de la fermeture de la métallurgie et de mines en Lorraine.<br /> Bon W-End tout de même.
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